La cession d’une entreprise représente souvent l’aboutissement d’une vie professionnelle et le fruit de nombreuses années de travail. Si cette opération peut générer une plus-value conséquente, elle soulève également d’importantes questions fiscales.
Dans ce contexte, comment optimiser l’imposition d’une cession d’entreprise pour préserver au maximum le patrimoine constitué ? Quelle est la fiscalité en vigueur et quelles sont les stratégies à adopter pour réduire la pression fiscale ?
Quelle fiscalité s’applique lors d’une cession d’entreprise ?
Avant d’aborder les stratégies d’optimisation, il est important de comprendre le régime fiscal “standard” qui s’applique sur les plus-values lors d’une vente de société..
Depuis la loi de finances 2018, deux options fiscales sont proposées au cédant :
- Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi appelé flat tax.
Ce prélèvement de 30 % se décompose en 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux.
Ce régime présente l’avantage de la simplicité et d’un taux fixe. Il est généralement favorable aux personnes ayant des tranches marginales d’imposition élevées. - L’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu
Dans cette situation, la plus-value tirée de la vente de l’entreprise est intégrée aux autres revenus. Elle est donc soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu. À cet impôt s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %.
À noter : le choix entre ces deux régimes est valable pour l’ensemble des revenus de l’année et pour le ménage. Il faut donc bien prendre en compte la situation patrimoniale globale avant d’opter pour l’une ou l’autre des options.
Les abattements à prendre en compte selon la situation
Même sans mettre en place de stratégies spécifiques, il existe des abattements de droits communs à prendre en compte pour le calcul fiscal de la plus-value.
L’abattement pour durée de détention
L’abattement pour durée de détention constitue souvent la première option d’optimisation fiscale, en raison de sa simplicité de mise en œuvre. Toutefois, il est important de rappeler que cet abattement n’est possible que dans le cadre d’une imposition au barème progressif.
On distingue l’abattement simple et l’abattement renforcé.
- L’abattement simple :
Il concerne uniquement les titres acquis avant le 1er janvier 2018.
Durée de détention | Abattement renforcé |
---|---|
0 à moins de 2 ans | 0 % |
2 ans à moins de 8 ans | 50 % |
8 ans et plus | 65 % |
Exemple : Une entreprise a été achetée en 2015 pour 10 000 €. Son dirigeant la revend en 2025 pour 300 000 €. La plus-value réalisée est de 290 000 €. Grâce à l’abattement de 65 %, seule 35 % de cette somme est soumise à l’imposition, soit 101 500 €. Le taux d’imposition est propre à chaque contribuable, mais en prenant l’hypothèse d’une tranche marginale à 41%, cela représente un montant d’impôt de 101 500 € x 41% = 41 615 €. Sans l’abattement, il lui en aurait coûté : 290 000 € x 41% = 118 900€.
Les 17,2 % de cotisations sociales restent dues sur la totalité de la plus-value. Dans notre exemple, 290 000 € x 17,2 %, soit 49 880 €.
Au total, avec l’abattement simple, le cédant doit payer 91 495€ au titre de la fiscalité. Sans cet abattement, il aurait payé 168 780 € (avec l’hypothèse d’une tranche marginale à 41%).
- L’abattement renforcé :
Il est appliqué pour les PME créées depuis moins de 10 ans. Le fonctionnement est le même que pour l’abattement simple, seuls les taux sont légèrement différents.
Durée de détention | Abattement renforcé |
---|---|
0 à moins de 1 an | 0 % |
1 an à moins de 4 ans | 50 % |
4 ans à moins de 8 ans | 65 % |
8 ans et plus | 85 % |
L’abattement en cas de départ à la retraite du dirigeant
Les dirigeants d’entreprise qui cèdent leurs titres dans le cadre d’un départ à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement spécifique de 500 000 €, selon l’article 150-0 D ter du CGI. Comme pour les autres abattements, les prélèvements sociaux restent dus sur la totalité de la plus-value réalisée.
Initialement prévue pour se terminer le 31/01/2024, cette mesure a été prorogée jusqu’en 2031 grâce à la nouvelle loi de finances 2025.
Pour bénéficier de cet avantage fiscal, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Le cédant doit avoir exercé une fonction de direction au sein de la société pendant au moins cinq ans avant la cession ;
- Il doit détenir au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers ;
- Le cédant doit arrêter toute fonction dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
Cet abattement fixe peut se cumuler avec l’abattement pour durée de détention en cas d’option pour l’imposition au barème progressif. Les prélèvements sociaux de 17,2 % restent dus sur l’intégralité de la plus-value.
Exemple : Si l’on reprend notre cas précédent où la vente de l’entreprise dégage une plus-value de 290 000 €, le cédant n’aura pas d’impôt à payer s’il part à la retraite grâce à l’abattement fixe des 500 000 €. Seuls les prélèvements sociaux resteront dus, soit un montant de 290 000€ x 17,2 % = 49 880 €.
Les stratégies d’optimisation fiscale lors d’une cession d’entreprise
Au-delà des mesures déjà prévues par l’administration fiscale, il est possible d’aller plus loin et de mettre en place des stratégies spécifiquement dédiées à l’allègement de la fiscalité lors de la revente d’une entreprise.
L’apport-cession
L’apport-cession constitue l’une des stratégies les plus efficaces et les plus utilisées pour optimiser la fiscalité d’une cession d’entreprise. Cette opération se déroule en deux temps :
- L’apport : le dirigeant apporte ses titres à une société holding dont il a le contrôle ;
- La cession : la holding cède ensuite les titres à l’acquéreur.
L’intérêt de cette opération réside dans le report d’imposition. La plus-value n’est pas exigée au moment de l’apport, mais au moment de la cession ultérieure des titres de la holding.
Pour conserver le bénéfice du report d’imposition, la holding doit réinvestir au moins 60% du produit de la cession dans une activité économique dans les deux ans suivant la cession.
Bon à savoir : cette opération ne peut concerner qu’une partie de la cession. En effet, il n’est pas obligatoire d’apporter 100 % des titres à la holding. Il peut ainsi être judicieux que le cédant conserve une partie des titres pour une cession directe afin de disposer de fonds personnels immédiatement.
Les enveloppes fiscales
L’utilisation d’enveloppes fiscales peut également permettre d’optimiser la fiscalité d’une cession d’entreprise.
- Le PEA ou le PEA-PME
Le Plan d’Épargne en Actions et surtout le PEA dédié aux petites et moyennes entreprises permettent, sous certaines conditions, de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les plus-values après 5 ans de détention.
Si cette option paraît accessible facilement, il est dans les faits assez compliqué d’utiliser le PEA pour y déposer les parts de sa société. Les conditions sont nombreuses et les plafonds de versements limitent l’intérêt en cas de cession importante.
- L’assurance-vie
Autre enveloppe fiscale, l’assurance-vie est quant à elle plus adaptée pour une cession d’entreprise. L‘assurance-vie luxembourgeoise est notamment un support à privilégier dans une telle situation.
Attention toutefois, tous les contrats d’assurance-vie n’autorisent pas cette option.
Que ce soit via un PEA ou une assurance-vie, prenez conseil auprès de votre gestionnaire de fortune pour étudier la faisabilité d’une telle opération selon votre situation.
Donner son entreprise avant de la céder : une option à envisager
La transmission des parts de l’entreprise avant la cession est également une possibilité. Cette opération permet de “purger” la plus-value. En effet, lors de la cession, le prix d’achat des parts est celui au jour de la donation. Si le délai est court entre les deux opérations, celle-ci est donc quasi nulle. Cette donation peut être envisagée en pleine propriété ou en usufruit/nue-propriété.
La donation permet de supprimer la plus-value, toutefois, les droits de mutation sont à prendre en compte. Au-delà de l’abattement de 100 000 € par enfant et par parent tous les 15 ans, un barème progressif s’applique.
La fiscalité lors d’une cession d’une entreprise est un sujet complexe qui mérite une attention particulière et une certaine anticipation. Certaines options fiscales peuvent être cumulées pour optimiser les stratégies.
Pour être sûr de faire les meilleurs choix en fonction de la situation patrimoniale globale, le recours à un expert fiscal ou un gestionnaire de fortune spécialisé est fortement recommandé.